Apartheid à huis clos

Publié par L’APRÈS le 24 avril 2025

Si les yeux du monde entier sont tournés - à juste titre - vers Gaza, l’horreur des massacres quotidiens ne saurait en revanche occulter la violence opérée par l’armée israélienne, et suppléée par les colons israéliens, dans le reste des Territoires Palestiniens occupés. Une situation qui risque de dégénérer comme le rappelle notamment la Rapporteuse Spéciale de l’ONU.

C’est la réalité de cette violence quotidienne orchestrée par le gouvernement de Benjamin Netanyahu en Cisjordanie qui se rappelle à nos élu·es cette semaine, en percutant une mission pourtant organisée de longue date. Pour rappel : le 20 avril, une délégation composée d’élu·es de gauche, dont Alexis Corbière, membre de l’APRES était attendue dans les Territoires Palestiniens, et auprès de la société civile israélienne, pour une visite de 4 jours. Les autorisations émanant des autorités israéliennes, pourtant préalablement accordées, ont été retirées 48h avant le départ des élu·es.

La décision, sèche et sans appel, se justifie aux yeux des autorités israéliennes de la manière suivante : « une délégation de l’AFPS (Association France Palestine Solidarité) s’est vue refuser l’accès à Israël, en raison des liens connus de l’AFPS avec des organisations terroristes. ». Il est d’usage que les autorités israéliennes disqualifient les associations de soutien à la Palestine en évoquant un soutien au terrorisme. Sauf que dans le cas présent… la visite des élu·es n’était pas même organisée par ladite AFPS, laquelle a démenti.

Ce prétexte fallacieux dissimule mal les intentions réelles de Benjamin Netanyahu quant à l’avenir de la Cisjordanie : empêcher toute solution politique au conflit. La colonisation exponentielle et brutale, s’inscrivant elle-même dans une dynamique d’extermination qui hypothèque l’avenir politique, économique et culturelle d’un futur État Palestinien, s’organise désormais à huis clos. Si Gaza se caractérise déjà pour être un des seuls territoires au monde où aucun observateur, journaliste ou humanitaire ne peut avoir accès, la Cisjordanie semble elle-même, jour après jour, être condamnée à l’invisibilité. Du moins les actuelles autorités israéliennes, par ailleurs discréditées par une large part de leur opinion publique, le souhaitent-elles.

Côté Israël, la visite comprenait notamment une rencontre avec une société israélienne en pleine ébullition – notamment avec Standing Together - et qui, chaque samedi à Tel Aviv, demande le départ de Benjamin Netanyahou, le retour des otages, et la fin de la guerre à Gaza. Ce mouvement, de plus en plus massif, et surtout - fait nouveau - uni, a de quoi inquiéter le chef du gouvernement israélien, et ses soutiens d’extrême droite, qui n’ont aucun intérêt à voir relayer à l’international l’ampleur de la contestation actuelle.

Qu’auraient ensuite observé nos élu·es, dans les Territoires palestiniens ?

A leur entrée en Cisjordanie, en quittant Jérusalem, au premier check-point une pancarte indique - en lettres rouges - que l’entrée en territoire palestinien constitue un danger pour les citoyens israéliens. Dans les faits, elle constitue surtout un danger pour les Palestinien·nes eux/elles-mêmes. Nos élu·es auraient longé des kilomètres de mur de béton et de barbelés, images d’un autre temps, que les Palestinien·nes nomment mur de l’apartheid. Comment l’appeler autrement ? Ils auraient observé que des routes sont réservées aux Palestinien·nes, et d’autres, sur les mêmes terres, aux Israélien·nes. Ils auraient pu se retrouver arrêté.es, pendant de longues heures, voire des jours, à un des multiples check-points israéliens dressés de manière arbitraire à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, visant à empêcher l’épanouissement d’une économie locale.

Ils auraient pu constater la croissance très rapide des colonies israéliennes -déclarées illégales par l’ONU – sur les meilleures terres palestiniennes. Ils auraient pu entendre les témoignages des violences quotidiennes – lynchages, tirs à balles réelles- que les colons exercent sur les Palestinien·nes qui commettent pour seul crime de vouloir vivre et travailler sur leur terre. Ils auraient pu voir, en direct, des destructions par bulldozer, après bombardements, notamment à Jénine, des maisons des camps de réfugié·es, déplacé·es et condamné·es à vivre dans des conditions toujours plus précaires. Bref, témoigner qu’une vie palestinienne est si fragile, face à l’arbitraire.

L’extrême droite israélienne va jusqu’à s’opposer à l’éducation des jeunes Palestinien·nes. Et donc leur scolarisation. Nos élu·es auraient pu témoigner, de leur présence, qu’il y a une semaine encore, Tsahal entrait dans les dernières écoles de l’UNRWA présentes à Jérusalem Est : des soldats, armés, venaient intimer aux professeurs et à la direction de l’école leur fermeture dans les 30 jours. Une semaine tragiquement ordinaire, dans les Territoires Palestiniens.

Cette annulation injustifiable de la délégation ne fait que renforcer notre conviction que la France doit faire pression pour trouver un débouché politique urgent, et équitable, en faveur d’un État Palestinien viable, en commençant par reconnaître l’Etat de Palestine. Et notre détermination à soutenir les habitant·es des Territoires Palestiniens face à l’arbitraire et la violence dont ils sont quotidiennement les victimes.

 

par Christophe Cotteret (de retour de Cisjordanie)

Publié par L’APRÈS le 24 avril 2025