Le Sénat face à la taxation des ultrariches

Publié par L’APRÈS le 11 juin 2025

Le Sénat face à la taxation des ultrariches

Mobilisation générale : interpellez vos sénateurs et sénatrices ! Ce jeudi 12 juin, le Sénat examinera la proposition de loi que j’ai déposée avec ma collègue Eva Sas, députée du groupe Écologiste et social, visant à taxer les ultra-riches dont le patrimoine dépasse 100 millions d’euros. Cette mesure a déjà été adoptée à l’Assemblée nationale — faisons en sorte qu’elle aille jusqu’au bout pour devenir réalité !

Est-il normal que les ultra-riches paient, en proportion de leurs revenus, deux fois moins d’impôt que le reste des Français·es ? C’est la question posée ce jeudi 12 juin aux sénatrices et sénateurs, qui devront se prononcer sur la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2% sur le patrimoine des ultrariches que j’ai défendu - avec succès ! - à l’Assemblée nationale avec ma collègue Eva Sas.

« Fiscalité punitive », « grand retour de l’URSS », « cercueil dans notre modèle social » et même « accaparement des biens jusque dans les salons » : nul doute que la gauche sénatoriale aura, comme à l’Assemblée nationale, affaire aux pires arguments des droites pour s’opposer à cette proposition de loi pourtant de salubrité publique. Mais face aux outrances et aux caricatures, une question mérite d’être posée clairement : souhaitons-nous, oui ou non, abolir l’inégalité devant l’impôt ? Voulons-nous, oui ou non, en finir avec le dogmatisme néolibéral de ceux qui nous gouvernent depuis 40 ans ?

Cette taxe dite « Zucman » du nom de l’économiste français qui l’a pensée, répond justement à cette injustice. Plus qu’une injustice, elle est une anomalie démocratique qui contrevient au principe constitutionnel, pourtant fondateur de notre République, de l’égalité de chacune et chacun devant l’impôt. Si la justice et l’égalité sont la boussole de l’action politique, alors il faut taxer à hauteur de 2 % le patrimoine des 1 800 foyers fiscaux dont le patrimoine dépasse les 100 millions d’euros, soit 0,004 % des Français.

“Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.”

Article 13 de la DDHC

Mais la taxe Zucman répond à d’autres impératifs. Elle arrive dans le débat public au moment où François Bayrou, comme il n’a eu cesse de le répéter, cherche à faire 40 milliards d’euros d’économie dans le budget de l’État en 2026. Pour cela, il organise déjà, avec ses ministres, une grande battue de la dépense publique qui aura pour conséquence inévitable d’affaiblir les services publics, les protections sociales et les moyens pour l’écologie.

Nous lui répondons qu’à elle seule, la taxe Zucman rapporterait, chaque année, entre 15 et 25 milliards d’euros de recettes au budget de l’État. Une aubaine, que la macronie ne cesse de repousser en attendant, tout penauds, que les milliards d’euros donnés aux grands groupes économiques ruissellent enfin, comme par magie.

En engageant une grande réforme de la fiscalité, fondée sur la progressivité, la France pourrait recruter des professeurs pour réduire le nombre d’élèves par classe. Elle pourrait donner plus de moyens aux hôpitaux publics, à la justice, à la recherche. Elle pourrait enfin investir dans un ambitieux plan contre les violences faites aux femmes. Elle pourrait poser une première pierre de ce qui sera, un jour, la sécurité sociale de l’alimentation. 20 milliards d’euros en plus, c’est une vraie marge de manœuvre dont on peut se saisir pour vivre mieux, avec des services publics plus performants, qui répondent plus et mieux aux besoins des Français·es.

Les collectivités territoriales l’ont bien compris. Alors que le gouvernement les accusent très injustement d’être responsables du déficit, les élu·es sentent venir la menace d’une “année blanche” en 2026. L’an prochain, les dotations versées par l’État pour faire fonctionner les collectivités territoriales pourraient ne pas tenir compte de l’inflation. Pour elles, c’est une véritable catastrophe. C’est une des raisons pour laquelle une tribune parue dans Le Nouvel Obs regroupe des maires de communes de toutes tailles pour demander aux sénateur·ices de voter la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra riches.

Voter contre ce texte, c’est sanctuariser le droit des milliardaires à échapper à l’impôt. C’est laisser les finances publiques toujours dériver davantage, au détriment d’un service public national et local de qualité.

Tribune dans Le Nouvel Obs, par un collectif de maires

Tout peut encore basculer. Tout se joue, maintenant. Pour que cette proposition de loi ne soit pas enterrée dans l’indifférence des dorures du Sénat, la mobilisation citoyenne est indispensable. Les sénateurs et sénatrices doivent sentir que les Français·es les regardent, les attendent, et exigent des comptes. Alors faisons entendre notre voix : écrivons-leur, interpellons-les publiquement, mettons-les face à leurs responsabilités ! Si nous voulons que la justice fiscale devienne réalité, c’est à nous, citoyennes et citoyens, de créer le rapport de force nécessaire. Le combat se joue aujourd’hui, et il se joue partout.

Clémentine AUTAIN

Publié par L’APRÈS le 11 juin 2025