Depuis vingt-sept ans, la sociologue franco-turque Pinar Selek affronte une persécution judiciaire sans fin. La dernière audience, le 21 octobre 2025 à Istanbul, s’est une fois encore conclue par un report au 2 avril 2026. Ce procès, emblématique de la répression intellectuelle en Turquie, appelle plus que jamais à la solidarité internationale.
Une histoire de résistance
Arrêtée en 1998 à Istanbul alors qu’elle menait une recherche sur la question kurde, Pinar Selek a été accusée d’avoir participé à l’explosion du Bazar des Épices. Pourtant, les expertises ont démontré qu’il s’agissait d’un accident de gaz. Malgré l’absence de preuve, elle a passé plus de deux ans en prison, avant d’être acquittée à 4 reprises – des acquittements toujours annulés.
Sociologue, écrivaine et militante féministe, elle a consacré sa vie à donner voix aux excl.es : enfants des rues, minorités, personnes trans, Kurdes, opposant.es politiques. Exilée en France depuis 2011 et naturalisée en 2017, elle enseigne et poursuit son œuvre, alliant recherche, résistance et poésie sociale.
Une audience de plus, un combat intact
Le 21 octobre 2025, j’étais présente à Istanbul, pour la troisième fois, à l’une des audiences de ce procès interminable. Comme souvent, la Cour a décidé d’un nouveau renvoi au 2 avril 2026. Cette répétition judiciaire vise l’usure, la lassitude. Mais face à cette obstination du pouvoir, Pinar Selek garde sa force lumineuse :
« Ils pensent me fatiguer, mais ils n’arriveront pas à éteindre les lucioles. »
Ces mots résument l’esprit d’une femme qui, depuis vingt-sept ans, oppose à la peur la constance du courage.
Des luttes qui se rejoignent
Mon engagement à ses côtés s’inscrit dans une même exigence de paix et d’égalité. En juin 2025, à l’invitation du DEM Parti, j’ai représenté France Kurdistan au sein d’une délégation internationale venue soutenir le processus de paix engagé par Abdullah Öcalan, toujours emprisonné. Cette mission faisait écho à mon combat de toujours : défendre les droits humains ici, en France, et partout où les femmes sont réduites au silence.
Refuser l’injustice
L’affaire Selek illustre un système où la justice devient outil de répression. Dans un contexte politique tendu, la Turquie poursuit celles et ceux qui portent la parole des opprimé.es.
Aux côtés de nombreuses organisations, L’APRES, que j’ai cofondée, réaffirme son soutien inconditionnel à l’acquittement définitif de Pinar Selek. Ce combat, au-delà d’un destin individuel, concerne la liberté de penser, d’écrire et de résister.
Une cause universelle
Alors que la prochaine audience est attendue pour le printemps 2026, la mobilisation doit se poursuivre. Défendre Pinar Selek, c’est défendre la lumière fragile des lucioles — celles qui brillent même dans la nuit la plus profonde.
Pascale Martin
Sociologue, cofondatrice de L’APRES, défenseure des droits des femmes et engagée pour la paix et la justice sociale.