Santé mentale : une bataille culturelle et politique nécessaire !

Publié par L’APRÈS le 08 mai 2025

Sur le front de la santé mentale, tous les signaux sont au rouge. Depuis des années, et particulièrement depuis la crise sanitaire, l’alerte est totale. L’explosion des tentatives de suicide chez les adolescents, l’impossibilité de prendre RDV en centre médico-psychologique, l’augmentation des hospitalisations sous contrainte ou l’absence de pédopsychiatres dans certains départements, le système de prévention et de soins est à bout de souffle. Avec des conséquences sociales dramatiques, en particulier pour celles et ceux à qui nous devons la protection, les enfants, baladés entre des constats de violences intrafamiliales en forte hausse, des mesures éducatives et de placement non appliquées et la déscolarisation de certain·es d’entre eux et elles, faute de prise en charge.

En 2025, alors que le Premier ministre Barnier avait fait de la santé mentale la grande cause de mobilisation nationale, pas une agence régionale de santé ne s’est vue affectée de budget supplémentaire pour accompagner les projets en la matière. Pire, les discussions autour du PLFSS avaient réduit à peau de chagrin les budgets relatifs à la prévention ! Encore aujourd’hui, engoncés dans leur arrogance, les ministres se succèdent pour dénoncer les agences d’État, et leur prétendue dépenses inutiles, dont, -évidemment !- les ARS.

Il n’y a pas de solution magique. Les enjeux sont nombreux sur le front de la santé mentale. Elles exigent de sortir des annonces intenables, des promesses d’un jour. En Loire-Atlantique, alors que la population reste bouleversée par le meurtre d’une adolescente, dans son lycée, par un camarade de l’établissement, l’ARS communique sur l’ouverture de places en pédopsychiatrie, en oubliant de préciser que « les places » ne signifient pas « les professionnel.les » et que, malheureusement et concrètement, financer des lits et trouver les bâtiments qui permettent d’accueillir, ne signifie en aucun cas créer des postes. Car, et c’est là que le bât blesse, former des soignant·es, des infirmier·es au médecins spécialistes, c’est le seul moyen d’augmenter le temps médical disponible et de ne plus verser dans l’inévitable concurrence entre les territoires, entre les hôpitaux, entre les services.

Il faut davantage de personnes formées et diplômées pour accompagner et prendre soin. Cela passe immédiatement par la revalorisation des métiers, de celles et ceux qui déjà en place donneront envie à la génération suivante. Cela passe aussi par la suppression de Parcoursup, un outil qui trie mécaniquement les élèves et ne tient pas compte des motivations réelles, renvoyant des jeunes en école d’infirmier·es alors que ce choix était leur dixième sur la plate-forme, augmentant les échecs et les abandons, en cours de formation et en début de carrière. Il est nécessaire, aussi, d’augmenter massivement les places dans les formations universitaires de médecine. Au-delà de la fin du numerus clausus, il faut des enseignant·es, des salles de cours, partout sur le territoire, et clarifier le statut des internes, en les rémunérant vraiment.

La prévention ne peut pas être la variable d’ajustement. Il lui faut des budgets dédiés. Sans quoi au moindre besoin, on coupe sans vergogne, comme l’a fait la présidente du conseil régional des Pays de la Loire, dans les budgets alloués aux interventions en promotion de la santé et en prévention en milieu scolaire. Il est urgent de proposer des solutions en amont même des difficultés, afin qu’un jour, la France ne soit plus sur le podium des pays consommant le plus de psychotropes ! L’Éducation nationale doit renforcer ses missions de santé scolaire, en recrutant et en s’entourant de métiers du travail social, en capacité de les épauler, pas seulement en cas de crise majeure.

Enfin, les questions de santé mentale touchent à des questions environnementales plus larges. Elles ont trait à notre rapport à la performance, à l’accélération des rythmes, aux cadences imposées au travail comme à la maison. Parler santé mentale, c’est saisir combien l’écart à la norme, le mal-être ou les phénomènes d’addiction sont le fruit de nos vies, émaillées de violence, de précipitation, de mise à l’écart. La santé mentale et sa défaillance, telle qu’elle est établie, nous rend comptable d’une discussion radicale, qui tire sa compréhension dans les mécanismes de domination. Une bataille culturelle et politique nécessaire, pour vivre mieux !

Marlène Collineau

Publié par L’APRÈS le 08 mai 2025