Le 24 mars 2025, en commission spéciale à l’Assemblée nationale, un amendement porté par plusieurs député·es du groupe Écologiste et Social, notamment par notre député à l’APRèS Hendrik Davi a été adopté : il propose tout simplement la suppression du HCERES, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Ce vote, intervenu dans le cadre du projet de loi sur la "simplification de la vie économique", marque une première victoire symbolique et stratégique pour le monde de la recherche, pour la gauche critique, et pour toutes celles et ceux qui refusent l’évaluation managériale et néolibérale de la pensée.
Un tournant attendu par la communauté scientifique
Depuis sa création en 2013, le HCERES incarne un système d’évaluation qui met en concurrence établissements, laboratoires, formations, personnels, au nom de critères technocratiques, standardisés et profondément idéologiques. Sous couvert de "qualité" ou "d’excellence", il contribue à individualiser les carrières, fragiliser les collectifs, imposer des normes comptables à des pratiques de savoir.
Les député·es signataires de l’amendement dénoncent un outil qui ne vise plus à améliorer l’enseignement supérieur, mais à imposer les logiques de gestion du privé au service public. Ils soulignent également l’impact destructeur de cette évaluation sur la santé au travail des personnels, dans un contexte où les mobilisations universitaires se sont multipliées contre la souffrance au travail et l’absurdité bureaucratique.
Une colère qui monte dans les universités
Cette décision parlementaire ne tombe pas du ciel. Depuis plusieurs semaines, les pré-rapports d’évaluation de la vague E diffusés par le HCERES ont provoqué la colère dans de nombreuses universités. L’indignation est telle que plusieurs syndicats appellent aujourd’hui explicitement à la dissolution du HCERES.
Ce n’est donc pas seulement une critique de méthode, mais une remise en cause structurelle d’un modèle d’évaluation, qui asphyxie la liberté de recherche, détourne l’énergie des enseignant·es-chercheur·ses vers la production de dossiers absurdes, et alimente l’atomisation des collectifs.
Réorienter les moyens vers la recherche publique
Au-delà du fond, l’amendement voté soulève une question budgétaire essentielle. Le HCERES, c’est 24 millions d’euros en 2024, dont une part considérable est absorbée par les coûts logistiques de l’évaluation elle-même. Selon la Cour des comptes, le coût moyen d’évaluation d’un laboratoire s’élève à 11 000 €, et celui d’un établissement à 50 000 €.
Les député·es à l’initiative de la suppression proposent que ces moyens soient réorientés vers le financement direct de la recherche publique, aujourd’hui étranglée par les politiques d’austérité. C’est une proposition de bon sens, et un geste politique fort : faire le choix du savoir vivant contre la machine à évaluer.
Défendre la recherche, défendre l’émancipation
Dans un communiqué, Hendrik Davi, député de l’APRèS et ancien directeur de recherche à l’INRAE, se réjouit d’une "première victoire majeure", rappelant qu’un amendement similaire avait été voté en commission des finances à l’automne 2024 dans le cadre du PLF - avant d’être effacé par un 49.3. Cette fois, le gouvernement ne pourra pas balayer le vote parlementaire d’un revers de main.
Il faut maintenant consolider ce vote, l’amplifier, et faire entendre la voix des chercheur·ses, des étudiant·es, des personnels, et de toutes celles et ceux qui défendent un service public de la connaissance contre la normalisation néolibérale.
La suppression du HCERES ne suffira pas à transformer l’université. Mais elle peut être un tournant politique, un levier, un symbole clair de rupture. Pour défendre la recherche comme bien commun, pour libérer le savoir des chaînes de l’audit, pour redonner du sens à l’université, et pour préparer une bifurcation écosocialiste de la production et de la transmission des savoirs.
La bataille contre l’évaluation néolibérale est une bataille pour l’émancipation. À nous de la porter jusqu’au bout.
NB : HCERES : Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est un organisme public indépendant créé en 2013. Il est chargé d’évaluer les établissements d’enseignement supérieur, les structures de recherche, les formations et les activités internationales. Présenté comme garant de la qualité, il est souvent critiqué pour imposer des logiques managériales et concurrentielles, alignées sur des critères standardisés inspirés du secteur privé.