À l’occasion de sa venue en France pour représenter l’association Nihon Hidankyo, lauréate du Prix Nobel de la Paix en octobre 2024, nous avons eu l’immense honneur d’accueillir Tanaka-san, rescapé d’Hiroshima, à Montpellier et à Sète, pour une série de rencontres, de témoignages et d’échanges citoyens.
Profitant de son passage à Grenoble, sur invitation du maire écologiste Éric Piolle, le Mouvement pour la Paix, la Barquette citoyenne de Sète, La Carmagnole à Montpellier, ainsi que des militant·es du PCF 34 et de l’APRèS 34 se sont mobilisé·es pour organiser cette venue, en lien avec plusieurs acteurs et actrices locaux.
Le témoignage bouleversant d’un survivant de la bombe
Tanaka-san avait un an lorsqu’il a été exposé à l’explosion de la bombe atomique, alors qu’il était sur le dos de sa mère, en périphérie d’Hiroshima. Leur maison, située à 900 mètres du point d’explosion, fut entièrement détruite. Une grande partie de sa famille est décédée, notamment la jeune sœur de sa mère, dont le corps n’a jamais été retrouvé.
Il nous a raconté la vie des Hibakusha, ces survivants de la bombe, victimes à la fois de graves séquelles physiques, de discriminations sociales, et d’un long combat pour la reconnaissance officielle de leur statut par l’État japonais. Aujourd’hui, environ 110 000 personnes sont officiellement reconnues comme Hibakusha, disposant d’une carte délivrée par les autorités. Mais des dizaines de milliers d’autres continuent à vivre sans reconnaissance officielle, près de 80 ans après les bombardements.
Les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki ont provoqué la mort de près de 400 000 personnes à Hiroshima et 200 000 à Nagasaki. Un crime de masse terrifiant, une tragédie humaine d’une ampleur inouïe. Mais ces chiffres immenses ne doivent jamais nous faire oublier que derrière chaque nombre, il y a un être humain : une mère, un oncle, un neveu, une petite-fille, un infirmier, une médecin… Chacune de ces vies arrachées portait une histoire, des espoirs, des liens, des visages.
Le combat continue également pour faire reconnaître les maladies liées à l’exposition nucléaire, notamment les cancers, ainsi que les effets génétiques transmissibles sur plusieurs générations.
Le combat pour un monde sans armes nucléaires
Tanaka-san a aussi longuement évoqué l’engagement des Hibakusha contre les armes nucléaires. C’est ce combat pour la paix et pour un désarmement total qui a été salué par le comité Nobel, à travers l’attribution du Prix Nobel de la Paix 2024. Non pas parce qu’ils auraient accompli un exploit scientifique ou artistique, mais parce qu’ils réveillent les consciences, 80 ans après Hiroshima et Nagasaki, dans un monde où la menace nucléaire n’a jamais été aussi forte.
Pour lui, il était essentiel de venir en France, l’un des cinq États officiellement dotés de l’arme nucléaire, car la France est un acteur stratégique dont la parole peut peser dans le combat pour la désescalade. Mais il s’est dit profondément inquiet des déclarations du président Emmanuel Macron évoquant l’extension du parapluie nucléaire français à l’échelle européenne.
« Le parapluie nucléaire ne protège rien, il ne fait qu’alimenter l’escalade vers la destruction de l’humanité », a-t-il affirmé.
Cette course à l’armement, si elle n’est pas stoppée, risque de faire de chaque habitant·e de la planète un·e futur·e Hibakusha.
Sciences et conscience
Lors de son passage à Montpellier, Tanaka-san a rencontré le directeur de la Faculté des sciences ainsi que des représentant·es de la présidence de l’Université de Montpellier. Ensemble, ils ont échangé sur la bombe, mais surtout sur le rôle des sciences et des universités dans la construction de la paix.
Il a insisté sur l’importance de réfléchir collectivement à l’usage des connaissances, à leur régulation, à leur encadrement démocratique. Un échange fort, incarnant pleinement la célèbre phrase de l’étudiant montpelliérain François Rabelais :
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
Un tour à élargir dès l’automne 2025
Cette venue n’était qu’une étape. L’objectif est désormais de co-construire un véritable tour des Hibakusha en France à l’automne 2025, dans plusieurs régions, pour alerter sur les dangers des armes nucléaires, éduquer, mobiliser, interpeller les responsables politiques, et ouvrir un chemin de désescalade.
C’est un appel à la conscience, à l’action, à la solidarité internationale. L’APRèS 34 continuera à y prendre toute sa part, aux côtés de celles et ceux qui refusent de voir l’histoire se répéter sous une forme encore plus destructrice.