Taxer l’héritage des hyper-riches

Publié par L’APRÈS le 29 octobre 2025

Le dérapage du déficit budgétaire, la déliquescence des services publics, le retard accumulé
dans le financement la transition écologique replacent inéluctablement la question fiscale
au-devant de la scène.
Et une fois de plus la question d’une refonte générale de notre système fiscal, qui pèse pour
l’essentiel, et de façon disproportionnée, sur les revenus du travail — en particulier ceux des
ménages modestes — est largement absente du débat public. La proposition de taxe
annuelle sur les patrimoines incluant les biens professionnels, adoptée par l’Assemblée
nationale avant d’être rejetée au Sénat, est en réalité loin d’initier une telle refonte. Elle n’est
qu’une béquille venant introduire (un peu) d’équité dans un système fiscal gangrené par
l’injustice.


Il revient à la Gauche de (ré)enclencher, enfin, une dynamique de taxation du capital des
super-riches. Car nous sommes assis sur un tas d’or : depuis le début du siècle, les
principales fortunes privées n’ont cessé de croître et de se concentrer. Aujourd’hui, les 5%
de Français les plus riches détiennent un tiers du patrimoine national (aux deux tiers hérité).
Ces derniers, très largement des baby-boomers, vont disparaître au cours des prochaines
années et d’ici 2040 plus de 9 000 Md€ devraient changer de main. La fondation Jean
Jaurès parle à cet effet de « Grande Transmission ».


Mais il y a un hic : ce tas d’or sur lequel on est assis, inconcevable par le commun des
mortels, n’atterrira jamais dans les mains du plus grand nombre. Car depuis les années
1980, de puissantes campagnes « anti-taxes» orchestrées par les néo-libéraux ont conduit à
de très larges exonérations des transmissions (donations et successions) des plus aisés. A
tel point, que les plus gros patrimoines sont prélevés à des taux de taxation faibles, voire
quasiment nuls.
Il faut corriger cela et remettre l’imposition des successions au cœur de notre système fiscal.
En effet :

  • les droits de succession sont un impôt indolore puisque les contribuables ne voient leur
    fortune taxée qu’après qu’ils ont quitté ce monde ;
  • les droits sur les successions, surtout s’ils épargnent les plus modeste d’entre elles, sont
    un impôt consensuel, plébiscités dans l’ensemble par les économistes qui y voient un outil
    favorable à l’innovation et à la croissance – ils peuvent éviter, par exemple, qu’une
    entreprise ne soit reprise par une personne héritière incompétente. Ce n’est pas un hasard
    si c’est aux États-Unis, alors temple d’une certaine forme de méritocratie, qu’en 1972 le
    candidat (démocrate) à la présidentielle George McGovern a proposé de taxer à 100% les
    successions au-delà de 500 000 dollars.

Même la très macroniste présidente de l’Assemblée nationale Yaëlle Braun-Pivet le
reconnaît : « on s’enrichit davantage aujourd’hui en héritant qu’en travaillant. (…) Je pense
notamment nécessaire de se pencher sur la taxation des super-héritages. »
De larges marges de progrès existent : les transmissions à titre gratuit ne représentaient
ainsi dans les derniers budgets qu’1,5% env. du total des prélèvements obligatoires, contre
5 à 6% entre les deux guerres.
Or, moins on taxe l’héritage, plus on reporte la charge sur d’autres bases fiscales —
principalement le travail et la consommation des ménages.
Voilà pourquoi le programme du Nouveau Front Populaire (N.F.P.), reprenant les
propositions convergentes de la plupart des partis de Gauche, a appelé à « instaurer un
héritage maximum ». La mise en place cet héritage maximum s’accompagnerait d’une
révision des niches fiscales qui permettraient aux plus aisés de le contourner.

Nous, L’Après, défendons évidemment cette proposition. Il est impératif, afin de renflouer les
Services Publics, de mettre en place une taxation plus juste et plus forte des sommes
laissées derrière eux par les multimillionnaires. Une telle taxation, un tel rééquilibrage de la
charge fiscale au profit des plus démunis, pourrait rapporter des dizaines de milliards
d’euros chaque année et, ainsi, permettre à nos hôpitaux, nos écoles, nos tribunaux, nos
services de protection de la nature, etc. de fonctionner à nouveau correctement et
dignement. Pour nous et pour les générations qui nous succéderont.

 

Commission Fiscalité, Partage des Richesse, Economie

Publié par L’APRÈS le 29 octobre 2025